« Los Angeles custodios »: Les futurs Albeiro…
LA COLOMBIE DE DEMAIN…
Lorsqu’à quatorze quinze ans, Albeiro présentait le petit groupe des Anges gardiens, il les appelait… « les futurs Albeiro ». Ce pouvait paraître « un bon mot », mais en fait, c’était un secret désir.
Lorsque naquit « La Casa de los recuerdos », en 1993, l’activité des jeunes enfants se structura peu à peu, naturellement. Les gamins allaient à l’école, le matin (les cours débutant très tôt), et, libres dès midi, s’en venaient à la Casa de los Recuerdos où ils déjeunaient, en compagnie des abuelitos, et passaient l’après-midi avec eux, participant à leurs activités, montant des spectacles, apportant aide et bonne humeur permanente.
L’autre activité majeure, confiée à leur sourire et leurs bonnes jambes, était de monter dans les quartiers, apporter aux malades, paralytiques et impotents, des repas chauds et tous les services garantissant la bonne hygiène des personnes et des lieux.
Et l’on voyait, à mi-journée, une petite fille s’en allant par les rues, porter de la soupe chaude, quelques patates ou un peu de riz, à « sa petite grand-mère, la-haut ! » … Et l’on voyait une petite équipe, débouler dans une pauvre masure, et tout nettoyer, remettre en ordre, du sol au plafond… Et l’on voyait un petit écolier « coiffer une abuelita », après avoir fait sa toilette, arranger ses vêtements, lui disant qu’elle était belle et qu’elle sentait bon…
De son côté, Albeiro ne manquait jamais l’occasion de « faire la tournée », seul ou avec un groupe, vérifiant la situation des petits vieux ; notant les besoins ; encourageant les convalescents ; rassurants les malades, les inquiets, les malheureux. Pour tous et pour chacun, Albeiro avait le sourire, le regard, le petit mot qu’ils attendaient.
Bien entendu, chaque journée était prétexte à nouvelle formation, car autant le jeune Colombien était « toute bonté, et toute patience », autant il se montrait exigeant, intransigeant parfois.
En entrant dans le groupe de Angeles Custodios, chaque enfant était informé « de la règle première », incontournable, sans appel : « Si tu veux faire partie de notre groupe…il faut bien travailler à l’Ecole ! » En échange, le petit était pris en charge aux plans : fournitures scolaires ; habillement (deux « uniformes » pour l’école ; et une tenue par an, pour « le groupe des anges-gardiens ») ; nourriture et soins ; appui à la scolarité et disponibilité à la famille, sur des problèmes du quotidien.
Lorsqu’un des enfants faisait l’école buissonnière, ou que ses résultats étaient insuffisants, il pouvait être exclu pendant deux mois, voire définitivement… Parfois, c’était la famille qui venait voir Albeiro : Trop pauvre, elle avait besoin que son enfant « travaille » et ramène à la maison les quatre sous qui lui incombaient. Compréhensif, Albeiro essayait de convaincre, d’aider… mais parfois, il fallait se rendre à l’évidence : Cet enfant-là ne reviendrait jamais ! Pire encore : Peut-être tournerait il mal ! Cette situation était considérée comme un échec, et une grande préoccupation. Malgré tous ces efforts, Albeiro ne parviendrait pas « à sauver » tout le monde…
Certains « petits Anges » de l’époque, sont restés… Il en est même qui sont « employés », salariés, aujourd’hui à la Fondation. Mais d’autres ont pris divers chemins, parfois marqués par le Destin : L’un d’entre eux est mort à la guerre, lors de son service militaire ; l’autre dans un accident ; nombre de jeunes filles sont aujourd’hui mariées, ou mères célibataires ; d’autres encore ont totalement disparu… C’est la vie ! Pourtant, chacun d’entre eux, parmi tant de misère, aura été heureux, et aura apporté le bonheur » ne serait ce que quelques semaines, quelques mois, quelques années durant. Et, en de telles circonstances, c’est une chance que des milliers d’autres enfants, en Colombie ou ailleurs, n’ont jamais eue.
LES ACTIVITES DES ANGES…
« Être avec les Abuelitos » : La grande salle de la Casa de los recuerdos résonnait chaque jour du rires des enfants, mêlés aux Abuelitos pour des activités « du quotidien », tels les repas et les goûters, mais également à l’occasion des premiers ateliers organisés par Albeiro, alors tout seul, comme la couture, la lecture, l’écriture.
Les petits anges aidaient et veillaient à ce que l’abuelito ne manquât de rien, principalement les encouragements. On se retrouvait également pour les jeux de société, ou encore d’autres activités ludiques, tels les bingos, les jeune bras s’y entendant parfaitement pour transformer la salle « multifonctions », en salle à manger, salle de classe, salle de jeux ou de bal… Bref, les enfants étaient les grands acteurs d’une véritable fourmilière en activité.
« Le portage des repas… dans les quartiers » : Ces enfants « descendaient » de ces quartiers à flancs de coteau, desservis par des escaliers abrupts et irréguliers, « entrecroisés » de quelques ruelles, perdues dans un labyrinthe de mauvais chemins et de couloirs lugubres. Ils connaissaient les lieux, ils y vivaient. Aussi leur était il facile de se faufiler partout, portant les repas, maintenus chauds dans quelques « containers » thermiques, qu’Albeiro désignait à chaque Abuelito, en fonction de sa pathologie et de ses besoins. Les petits Anges montaient seuls, ou à deux, s’occupaient du repas, de la toilette, du nettoyage, « brisant » la solitude du petit vieux d’un long moment de tendresse ou de simple présence… Le seul de la journée, peut-être.
Les enfants revenaient au centre de vie, et rendaient compte. Lorsque le rythme fut pris, alors qu’il avait tant d’activités en marche, Albeiro faisait la tournée des pauvres masures, deux à trois fois par semaine, ou chaque jour, si la situation l’exigeait. C’était pour lui l’occasion de vérifier que tout allait bien, dans la mesure du possible, de continuer à former les enfants et imaginer de nouveaux services. Il n’arrêtait pas!
« Animation et fêtes ! » : Albeiro s’y entendait pour que chaque circonstance soit prétexte à une fête. Et l’on s’amusait, à « la Casa de Los recuerdos », que l’on soit jeune ou vieux. Régulièrement, les anges-gardiens montaient des spectacles où la danse, bien sûr, traditionnelle ou moderne, avait place privilégiée. Avec quelque bouts de tissu, on cousait des robes pour les petits anges, qui interprétaient des danses « de la terre », dont tous les abuelitos étaient friands, eux qui venaient des campagnes. Chaque anniversaire était prétexte à une grande fête, Albeiro s’arrangeant toujours pour « faire beaucoup, avec rien ! ». Il y avait toujours des parts de gâteaux pour celui qui poussait la porte, en invité de dernière heure. Les enfants se précipitaient, récupérant les bonbons de la « piñata » explosée… Et les abuelitos, à chaque fois, retrouvaient leur enfance.
« Apprentissage permanent » : Dès qu’il avait un moment, Albeiro réunissait les enfants, pour leur donner des instructions ; leur apprendre de nouvelles « valeurs » ; corriger avec eux de petits manques. Lorsqu’il montait avec eux dans les quartiers, il leur enseignait les façons de s’occuper des vieilles personnes, avec douce fermeté, afin de ne pas leur faire mal et donner confiance aux quelques forces qui leur restaient. Il surveillait les façons de donner les repas, de faire les toilettes… « Respect, patience et tendresse » étaient les maîtres mots. Et les enfants les appliquaient de grand cœur.